Le thème traduction, cosmopolitisme et plurilinguisme reflète la dimension pluridisciplinaire de l’unité de recherche Plurielles et la particularité de l’Université Bordeaux Montaigne dont l’identité repose notamment sur une grande diversité de langues enseignées (23 au total). Il s’inscrit ainsi dans une pluralité de spécialités au carrefour entre langues, littératures et linguistique.
Les notions convoquées par l’intitulé placent ce thème transversal au croisement de deux grands champs d’investigation :
L’idée générale est de dynamiser ce champ, de visibiliser et de mettre en cohérence les manifestations, recherches et actions autour de la traduction. La visée générale est de rassembler les enseignants-chercheurs afin de faire converger leurs actions qui, tout en étant issues d’aires culturelles et linguistiques spécifiques, ont en commun la pratique de la traduction, son étude ou encore la réflexion sur ses enjeux. Ainsi, la réflexion prendra appui sur la pratique concrète des ateliers de traduction – lieu matériel d’échanges entre auteurs et/ou traducteurs et étudiants – que de nombreux enseignants-chercheurs organisent à différents niveaux et qui constituent non seulement une manière vivante et stimulante d’aborder la littérature et la diversité des langues, mais aussi une étape pré-critique dans la construction du savoir. Les auteurs-traducteurs constituent un autre aspect particulièrement intéressant. Il s’agit de prendre en considération ce que la traduction d’une œuvre laisse comme traces dans l’œuvre fictionnelle de l’auteurtraducteur parce que la traduction peut être vue comme une maïeutique linguistique et stylistique et l’espace privilégié des transferts culturels en action.
Cette réflexion peut ainsi s’élargir à une interrogation plus large sur les transferts culturels et sur les différents héritages liés à la notion de cosmopolitisme.
Le thème sera également appréhendé sous la forme d’une réflexion générale sur la migration et sur les échanges interculturels dans un monde globalisé et plurilingue. Le travail des chercheur.se.s se situera ainsi à la croisée d’investigations sur la diffusion/réception des littératures, et notamment des littératures dites minoritaires, et sur la constitution d’un espace atopique, d’une nouvelle littérature mondiale inspirée par le concept goethéen de Weltliteratur. On interrogera les notions de littératures nationales, plurinationales ou encore transnationales. Ces dernières éclairent l’utopie linguistique sur laquelle reposent les organisations politiques internationales, parmi lesquelles l’Union européenne ; une unité de recherche comme Plurielles peut contribuer à une politique du traduire, en pensant la traduction comme geste, au double sens où elle comporte une dimension épique (de réinscription, dans la voix, de communautés disjointes par le plurilinguisme) et où elle repose sur un artisanat (travail d’un sujet traducteur, à mettre en perspective avec le développement de logiciels).
Ces recherches intéressent plusieurs aires linguistiques et culturelles : le champ d’investigation inclura l’espace postsoviétique, l’Europe centrale et balkanique (où les recompositions géopolitiques ont entraîné des fluctuations de frontières, des processus de renationalisation ou de migration linguistique), l’espace arabophone (où la réflexion sur les migrations croise les théories postcoloniales et la réflexion sur le Campagne d’évaluation 2020-2021 - Vague B Département d’évaluation de la recherche 12 « bilinguisme colonial » dont parle A. Memmi) et l’Extrême-Orient, mais aussi plus spécifiquement les espaces anglophone, francophone, germanophone, hispanophone, italophone ou autres.
On s’efforcera de mettre en lumière les phénomènes d’hésitation et de choix de la langue chez les écrivains plurilingues et/ou exilés aussi bien dans l'ancien espace soviétique, dans l’aire balkanique ou encore dans les pays germanophones. La question de la traduction et du cosmopolitisme renvoie naturellement à celle du plurilinguisme et à la construction d’une littérature « outside the nation » dont l’étude s’étend de l’Antiquité – où le développement d’une culture grecque hors les murs dans une ville comme Alexandrie nourrira les fantasmes des communautés européennes du XXe siècle – à l’hyper-contemporain, marqué par de nouveaux enjeux (expliquant, par exemple, le développement d’une littérature syrienne de l’exil en Allemagne ou en France). On peut songer à la notion d’hybridité et étudier le caractère novateur que représente la nontraduction et la présence de la langue allophone dans le texte littéraire. À ce titre, la littérature contemporaine de langue allemande offre un des champs - parmi d’autres - d’investigation de prédilection : que l’on songe à l’exophonie pratiquée par Yoko Tawada, autrice japonaise écrivant en allemand, aux écrits en langue allemande d’auteurs issus de l’immigration turque (avec une de ses représentantes les plus connues Emine Özdamar depuis les années 60) ou encore à une littérature nord-africaine de la vague migratoire des années 2015, la question est particulièrement vive dans le champ littéraire et entraîne une interrogation sur l’existence d’un champ dénationalisé. Cette interrogation soulève un enjeu politique majeur, qui est celui de l’abandon des luttes politiques et sociales menées localement par les écrivains et artistes en exil ou émigrés.
La réflexion se structurera autour des enjeux politiques de la traduction et du plurilinguisme dans un monde où la deuxième globalisation a rebattu un certain nombre de cartes géopolitiques et ainsi une nouvelle fois interrogé, remis en question, déplacé la superposition supposée/souhaitée/réprimée entre une/des langues et un/des territoire(s)/ nation. On considèrera l’articulation entre langues, traductions et enjeux politiques : les enjeux du bilinguisme colonial dans les pays de langue arabe ou ceux des minorités en Chine, ou le rôle des traductions dans la constitution d’un corpus littéraire national ou communautaire en langue vernaculaire.
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