Séminaire d’équipe
Ce séminaire réunit des chercheurs qui interrogent la littérature à l’échelle du monde : nouveau monde de la Renaissance (chercheurs spécialisés dans les littératures du XVIe siècle) ; monde occitan ; monde arabe ; monde francophone ; mondialisation (chercheurs en littérature comparée). Ce séminaire se propose d’envisager d’une part la manière dont la littérature, fictionnelle ou non, construit des mondes ou recompose le monde – et ce sera l’occasion de s’interroger sur la spécificité et la raison d’être de la fiction –, d’autre part l’expérience et les interrogations que suscite ce geste dans ses différentes déclinaisons : qu’elle se fixe pour but de rendre visible le détail du monde par le biais de sa recréation mimétique (définie par Ricoeur comme un double mouvement de « décrochage » et de liaison avec le réel), de faire exister des mondes inconnus du lecteur (par exemple dans les récits des grandes découvertes) ou franchement inaccessibles (profondeurs marines, planètes inconnues…), ou encore de façonner des mondes présentés sans ambiguïtés comme des fictions (dans le cas de l’utopie ou des espaces romanesques merveilleux), l’écriture façonne des « possibles latéraux à la réalité » (Yves Citton) familière au lecteur. Elle induit ainsi un décentrement ou une « délocalisation » du regard, voire un « mode utopique de pensée » (Raymond Ruyer), en ce qu’elle invite à considérer les revers du réel : ce qu’il n’est pas, ce qu’il pourrait être, ce qu’il devrait être, ce qu’il ne pourra jamais être. Mais aussi ce qu’il est peut-être pour d’autres que moi, ce qu’il est dans sa richesse inespérée, ce qu’il est si l’on y prête attention.
Le séminaire ne négligera pas les manifestations anciennes de la confrontation entre le monde existant et les mondes littéraires : on pourra ainsi rappeler comment, chez Montaigne, la confrontation aux usages du Nouveau Monde fait ressortir la part conventionnelle de l’organisation sociale ; mais on verra surtout comment les utopies (à commencer par celle de Thomas More) prolongent les recompositions du monde et les phénomènes de décentrement induits par les Grandes Découvertes ; on s’intéressera aux jeux d’échos entre les représentations du Nouveau Monde et les mondes fictionnels (par exemple l’île de la Tempête de Shakespeare).
Le séminaire envisagera également l’expérience de la perte et ses modalités (géographiques, culturelles, linguistiques, philosophiques ou ontologiques), telle que l’appréhende la littérature en lien avec d’autres formes de savoir ou d’expérience (postcoloniale, migrante). On se penchera sur la recomposition des mondes à la lumière d’enjeux cosmopolitiques : comment penser la recomposition de mondes aujourd’hui, à l’échelle du cosmos, dans la diversité des langues terrestres et dans l’altérité d’un monde qui n’a pas de langage humain ?
Si le poème est un tout clos et poreux, tourné vers soi et le dehors, vers la langue et les mondes (physiques, culturels, matériels), lui aussi fait monde (mundus en latin : cosmos et parure de la femme dit le Gaffiot). Quand il est tourné vers le Terrestre ne construit-il pas une cosmopoétique qui appelle des cosmopolitiques, c’est-à-dire des politiques qui débordent la polis et puissent prendre en charge l’otherness ? La poésie s’ouvre alors à la question juridique du statut des fleuves ou des bêtes, à la pensée d’un redécoupage géographique du terrestre par les bassins-versants. Les poèmes promeuvent ainsi d’autres imaginaires, ils s’aventurent dans les mondes en se constituant mondes, tels les matsutakes (Anna Tsing) . « Poets are more like mushrooms, or fungus – they can digest the symbol-detritus » (Gary Snyder). Ils défont la défaite et la perte, et recomposent des mondes.
Comment penser alors l’utopie et l’utopisme à l’âge de l’anthropocène ? Au siècle des Lumières, les utopies étaient situées dans des ailleurs géographiques qui n’existent plus comme tels aujourd’hui et c’est avec leur perte qu’elles doivent s’écrire. C’est « avec les restes » (A. Volodine) qu’on « recompose des mondes » (A. Pignocchi), en se glissant dans les « fissures des économies capitalistes » (E. O. Wright), là où le retrait du capital ou les luttes locales autorisent des expérimentations politiques aussi radicales que fragiles. On « vit avec le trouble » (D. Haraway) ou « dans un monde abîmé » (A. Tsing). Désormais, les utopies trouvent refuge dans le futur ou dans les interstices de la domination, et la question des conditions de leur émergence revient avec insistance. Quelles tensions entre les différentes manières de penser l’utopie au moment où l'urgence (climatique notamment) contraint à forger d'autres manières de vivre et de se lier ? Quels liens peut-on percevoir entre les utopies des sciences sociales et les mondes alternatifs fabriqués par la fiction et le langage ?
Jeudi 20 octobre : Introduction Jean-Paul Engélibert & Frédéric Poupon
Jeudi 15 décembre : Isabelle Poulin : D’où écrire le cosmos ? Le travail de l’artiste entre les langues – lecture croisée de V. Nabokov et P. Bergounioux
Jeudi 26 janvier : Marie-Christine Gomez-Géraud : la représentation des mondes nouveaux – salle I 107
Conférence : Jeudi 2 février : Marik Froidefond (Paris Cité) : L’utopie furtive du poème – salle I 100
Jeudi 9 février : Alice Vintenon et Anne-Laure Metzger-Rambach : Mondes fictionnels & utopies – salle I 100. Descriptif à lire ici.
Jeudi 23 février : 8h30-10h30 : Pierre Vinclair : Le monde sauvage du poème – salle I 100. Descriptif à lire ici.
Jeudi 2 mars : Jeanyves Guérin, « Le monde du Bloc-notes. Mauriac écrivain journaliste » – salle I 100. Descriptif à lire ici.
Jeudi 9 mars :
Jeudi 16 mars : Conférence de Jean-François Chassay (UQAM), professeur invité : Disparaître, au singulier et au pluriel : sur quelques morts technologiques – salle I 100
Jeudi 23 mars : Double séance 15h30-18h – salle I 100 : SEANCE REPORTEE AU 27 AVRIL 15h30-18h - salle I100 (à confirmer)
**Jeudi 30 mars : (date à confirmer) : « Félix Arnaudin : archiver Les Landes ». Intervention de Guy Latry autour de son livre Une vie de Félix Arnaudin (confluences, 2022). Discussion avec Katy Bernard – salle I 100 SEANCE ANNULEE
Jeudi 6 avril : 15h30-18h – salle I 100 Eve de Dampierre-Noiray SEANCE DEPLACEE AU MERCREDI 5 AVRIL, de 15h30 à 17h, amphi B200 : “Perdre les mondes, reconquérir la terre des mots. Une lecture du poète palestinien Mahmoud Darwich.”
**Jeudi 13 avril : Jeanyves Guérin, « De l’empire au tiers-monde, le Bloc-notes de François Mauriac ». Séance animée par Caroline Casseville – salle I 100 : séance ANNULEE
**Les dates initialement prévues ont été inversées.
Responsables de l’organisation : Céline Barral, Jean-Paul Engélibert, Eve de Dampierre-Noiray et Mounira Chatti.
Contact :
jean-paul.engelibert@u-bordeaux-montaigne.fr
celine.barral@u-bordeaux-montaigne.fr
mounira.chatti@u-bordeaux-montaigne.fr
Isabelle Poulin (Pour en savoir plus)
Anne-Laure Metzger et Alice Vintenon (télécharger le résumé)
Pierre Vinclair (télécharger le résumé)
Jeanyves Guérin (Pour en savoir plus)
Omar Fertat (télécharger le résumé) [SÉANCE MAINTENUE]
Catherine Coquio (Paris Cité) [SÉANCE REPORTÉE]
Jean-François Chassay (UQAM), professeur invité
Delphine Gachet (Présentation ici)
Antoine Ducoux (Présentation ici)
Katy Bernard (date à confirmer)
Eve de Dampierre-Noiray
Jeanyves Guérin, Séance animée par Caroline Casseville (Directrice du Centre Mauriac) SEANCE ANNULEE Pour en savoir plus