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Appel à communication : « Quelles formes narratives pour l’écologie ? » [colloque international, Varsovie, avril 2025] /DL 5 sept. 2024

Jean-Paul Engélibert

Colloque international

Quelles formes narratives pour l’écologie ?

Le colloque aura lieu à l’Université de Varsovie les 24 et 25 avril 2025

Organisation et contacts : Jean-Paul Engélibert, Université Bordeaux Montaigne (Jean-Paul.Engelibert@u-bordeaux-montaigne.fr) et Judyta Zbierska-Mościcka, Institut d’études romanes, Université de Varsovie (j.zbierska-moscicka@uw.edu.pl).

Les propositions de communication sont à envoyer aux deux adresses ci-dessus au plus tard le 5 septembre 2024. 

 

On assiste aujourd’hui à un tournant écologique de la littérature française consacré par la création, en 2018, d’un « prix du roman d’écologie ». Les écrivains s’intéressant à l’écologie sont de plus en plus nombreux et la fiction, comme la poésie et l’essai, se penche désormais souvent sur des sujets longtemps tenus pour mineurs, voire anecdotiques : les animaux, le paysage, la protection de sites menacés, la pollution de l’environnement, etc. L‘un des chercheurs francophones les plus actifs dans ce domaine, Pierre Schoentjes, remarque que « l’actualité des enjeux écologiques […] invite à penser que les romans qui problématisent les questions environnementales se multiplieront à l’avenir de manière exponentielle » (2020, 14). Plus généralement on peut penser que, en France et ailleurs, les questions écologiques, prenant une place centrale dans les débats politiques et philosophiques contemporains, affectent tous les domaines du savoir et de la culture qui se reconfigurent notamment en fonction des positions de leurs acteurs vis-à-vis de l’écologie. 

La recherche littéraire participe à ce mouvement. Les séminaires, publications et colloques relevant de l’écocritique (d’origine américaine) ou de l’écopoétique (d’origine française) se multiplient : ainsi le programme Animots piloté par Anne Simon (animots.hypotheses.org), celui de Pierre Schoentjes à l’université de Gand, literature green (www.literature.green), ou déjà de 2014 à 2016 à l’université d’Angers le programme EcoLitt mené par Anne-Rachel Hermetet, depuis 2017 le travail du collectif interuniversitaire français ZoneZadir (zonezadir.hypotheses.org), le n° de la revue Critique intitulé « Vivre dans un monde abîmé », n° 860-861 en 2019, le récent n° de Relief (n° 16-1, 2022), les colloques de Cerisy sur le « vivant » et le « sauvage » tenus en 2022 et 2023, etc.  

La thématisation de l’écologie qui inspire souvent ces démarches permet d’opérer des classements dans la production contemporaine et d’élargir le champ de la recherche littéraire. Ainsi, Pierre Schoentjes peut-il distinguer une « littérature marron » « qui fait voir les atteintes à l’environnement » d’une « littérature verte » centrée sur « les beautés de la nature »[1], et Alexandre Gefen rendre compte, dans L’Horizon écologique des fictions contemporaines, de multiples champs d’études nouveaux – éconarratologie, écolinguistique, écosémiotique ou écostylistique – qu’elle rend possibles [2]. Elle ouvre parfois sur des questions philosophiques, comme le récent n° de la Revue de littérature comparée titré « Quelle éthique pour la littérature environnementale ? » 

On s’interroge moins souvent sur ce que le réchauffement climatique, la dévastation des écosystèmes et l’extinction de masse des espèces sauvages font à la représentation littéraire elle-même. Pourtant, on a pu montrer que la « pensée écologique » (Timothy Morton) opère des gestes particuliers, ne serait-ce que par les objets qu’elle demande de prendre en compte. Pour ne reprendre que quelques catégories proposées par Morton, elle oblige à « penser grand », ou penser des objets à l’échelle de la Terre, à penser « le maillage », ou l’interconnexion de tout avec tout, elle « exige que nous rencontrions l’étrange étranger à plusieurs niveaux et sur plusieurs échelles : depuis les bactéries dans nos boyaux jusqu’aux oiseaux enduits de pétrole et aux victimes déplacées d’un ouragan[3] ». Autant de défis aux capacités de représentation de la littérature.

Le romancier et critique indien Amitav Ghosh estime que le roman réaliste, genre encore dominant aujourd’hui, est mal armé pour exprimer ce qui excède l’expérience ordinaire de l’individu moyen. En effet, le roman moderne se serait constitué au XIXe siècle autour de la « rhétorique du quotidien », chassant l’improbable des histoires pour offrir « un plaisir narratif compatible avec la nouvelle régularité de la vie bourgeoise [et pour] rationaliser l’univers romanesque[4] ». Il lui serait dès lors difficile d’aborder les objets extra-ordinaires du nouveau régime climatique. 

Les réponses de la littérature contemporaine sont multiples : la fable permet de donner la parole à des animaux (Tristan Garcia, Mémoires de la jungle), la science-fiction autorise les expériences spéculatives (Pierre Alferi, Hors sol), le conte philosophique propose des expériences de pensée inédites (Vinciane Despret, Autobiographie d’un poulpe). En se focalisant sur les littératures française et francophones, on pourra se demander si ce sont là des tendances marquantes du XXe siècle et du début du XXIe, ou plus largement quelles tentatives on peut y repérer pour dépasser les limites du roman réaliste et représenter les objets imposés à notre attention par la « pensée écologique ». 

Assiste-t-on au retour de genres désuets ou relégués au second rang comme la fable ou le conte ? A la naissance de nouveaux genres, comme certains critiques peuvent l’affirmer en parlant de climate fictions ? A un renouveau du roman à thèse ? A une articulation nouvelle de la littérature et de la philosophie autour de questions éthiques, politiques, ontologiques ? Quelles nouvelles formes pour la littérature narrative la pensée écologique suggère-t-elle ? Quelles nouvelles langues la littérature écosensible appelle-t-elle pour trouver, d’une part, une force critique recherchée et, de l’autre, une perspective élargie, non-anthropocentrée ? Que trouve-t-elle d’inédit ou de stimulant dans « la chair du langage » ? Que résulte-t-il pour la forme et le sens confondus, de croisements de multiples discours – philosophiques, décoloniaux, scientifiques, etc. – qu’accueillent des fictions environnementales ?

Organisation et contacts : Jean-Paul Engélibert, Université Bordeaux Montaigne (Jean-Paul.Engelibert@u-bordeaux-montaigne.fr) et Judyta Zbierska-Mościcka, Institut d’études romanes, Université de Varsovie (j.zbierska-moscicka@uw.edu.pl).

Le colloque aura lieu à l’Université de Varsovie les 24 et 25 avril 2025. Les propositions de communication sont à envoyer aux deux adresses ci-dessus au plus tard le 5 septembre 2024. 

Télécharger la bibliographie 

[1] Pierre Schoentjes, Littérature et écologie. Le Mur des abeilles, Paris, Éditions Corti, 2020, p. 19.

[2] Alexandre Gefen, « Les théories écologiques de la littérature : de l’écopoétique à la biocritique », in Riccardo Barontini, Sara Buekens et Pierre Schoentjes (dir.), L’Horizon écologique des fictions contemporaines, Genève, Droz, 2022, p. 61-76.

[3] Timothy Morton, La Pensée écologique, Paris, Zulma, 2021, p. 88.

[4] Amitav Ghosh, Le Grand Dérangement (2016), Marseille, Wildproject, 2021, p. 30.

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