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2025, 24-25 avril : « Quelles formes narratives pour l’écologie ? » [colloque international, Varsovie ]

Jean-Paul Engélibert

Colloque international Quelles formes narratives pour l’écologie ? 

Université de Varsovie / Université Bordeaux Montaigne, 24-26 avril 2025

Faculté de Langues Modernes de l’Université de Varsovie, rue Dobra 55, salle 1.120

 

On assiste aujourd’hui à un tournant écologique de la littérature française consacré par la création, en 2018, d’un « prix du roman d’écologie ». Les écrivains s’intéressant à l’écologie sont de plus en plus nombreux et la fiction, comme la poésie et l’essai, se penche désormais souvent sur des sujets longtemps tenus pour mineurs, voire anecdotiques : les animaux, le paysage, la protection de sites menacés, la pollution de l’environnement, etc. L‘un des chercheurs francophones les plus actifs dans ce domaine, Pierre Schoentjes, remarque que « l’actualité des enjeux écologiques […] invite à penser que les romans qui problématisent les questions environnementales se multiplieront à l’avenir de manière exponentielle » (2020, 14). Plus généralement on peut penser que, en France et ailleurs, les questions écologiques, prenant une place centrale dans les débats politiques et philosophiques contemporains, affectent tous les domaines du savoir et de la culture qui se reconfigurent notamment en fonction des positions de leurs acteurs vis-à-vis de l’écologie. 

La recherche littéraire participe à ce mouvement. Les séminaires, publications et colloques relevant de l’écocritique (d’origine américaine) ou de l’écopoétique (d’origine française) se multiplient : ainsi le programme Animots piloté par Anne Simon (animots.hypotheses.org), celui de Pierre Schoentjes à l’université de Gand, literature green (www.literature.green), ou déjà de 2014 à 2016 à l’université d’Angers le programme EcoLitt mené par Anne-Rachel Hermetet, depuis 2017 le travail du collectif interuniversitaire français ZoneZadir (zonezadir.hypotheses.org), le n° de la revue Critique intitulé « Vivre dans un monde abîmé », n° 860-861 en 2019, le récent n° de Relief (n° 16-1, 2022), les colloques de Cerisy sur le « vivant » et le « sauvage » tenus en 2022 et 2023, etc.  

La thématisation de l’écologie qui inspire souvent ces démarches permet d’opérer des classements dans la production contemporaine et d’élargir le champ de la recherche littéraire. Ainsi, Pierre Schoentjes peut-il distinguer une « littérature marron » « qui fait voir les atteintes à l’environnement » d’une « littérature verte » centrée sur « les beautés de la nature »[1], et Alexandre Gefen rendre compte, dans L’Horizon écologique des fictions contemporaines, de multiples champs d’études nouveaux – éconarratologie, écolinguistique, écosémiotique ou écostylistique – qu’elle rend possibles [2]. Elle ouvre parfois sur des questions philosophiques, comme le récent n° de la Revue de littérature comparée titré « Quelle éthique pour la littérature environnementale ? » 

On s’interroge moins souvent sur ce que le réchauffement climatique, la dévastation des écosystèmes et l’extinction de masse des espèces sauvages font à la représentation littéraire elle-même. Pourtant, on a pu montrer que la « pensée écologique » (Timothy Morton) opère des gestes particuliers, ne serait-ce que par les objets qu’elle demande de prendre en compte. Pour ne reprendre que quelques catégories proposées par Morton, elle oblige à « penser grand », ou penser des objets à l’échelle de la Terre, à penser « le maillage », ou l’interconnexion de tout avec tout, elle « exige que nous rencontrions l’étrange étranger à plusieurs niveaux et sur plusieurs échelles : depuis les bactéries dans nos boyaux jusqu’aux oiseaux enduits de pétrole et aux victimes déplacées d’un ouragan[3] ». Autant de défis aux capacités de représentation de la littérature.

Le romancier et critique indien Amitav Ghosh estime que le roman réaliste, genre encore dominant aujourd’hui, est mal armé pour exprimer ce qui excède l’expérience ordinaire de l’individu moyen. En effet, le roman moderne se serait constitué au XIXe siècle autour de la « rhétorique du quotidien », chassant l’improbable des histoires pour offrir « un plaisir narratif compatible avec la nouvelle régularité de la vie bourgeoise [et pour] rationaliser l’univers romanesque[4] ». Il lui serait dès lors difficile d’aborder les objets extra-ordinaires du nouveau régime climatique. 

Les réponses de la littérature contemporaine sont multiples : la fable permet de donner la parole à des animaux (Tristan Garcia, Mémoires de la jungle), la science-fiction autorise les expériences spéculatives (Pierre Alferi, Hors sol), le conte philosophique propose des expériences de pensée inédites (Vinciane Despret, Autobiographie d’un poulpe). En se focalisant sur les littératures française et francophones, on pourra se demander si ce sont là des tendances marquantes du XXe siècle et du début du XXIe, ou plus largement quelles tentatives on peut y repérer pour dépasser les limites du roman réaliste et représenter les objets imposés à notre attention par la « pensée écologique ». 

Assiste-t-on au retour de genres désuets ou relégués au second rang comme la fable ou le conte ? A la naissance de nouveaux genres, comme certains critiques peuvent l’affirmer en parlant de climate fictions ? A un renouveau du roman à thèse ? A une articulation nouvelle de la littérature et de la philosophie autour de questions éthiques, politiques, ontologiques ? Quelles nouvelles formes pour la littérature narrative la pensée écologique suggère-t-elle ? Quelles nouvelles langues la littérature écosensible appelle-t-elle pour trouver, d’une part, une force critique recherchée et, de l’autre, une perspective élargie, non-anthropocentrée ? Que trouve-t-elle d’inédit ou de stimulant dans « la chair du langage » ? Que résulte-t-il pour la forme et le sens confondus, de croisements de multiples discours – philosophiques, décoloniaux, scientifiques, etc. – qu’accueillent des fictions environnementales ?

 

Jeudi 24 avril 2025

Fictions savantes (présidence : Colette Camelin)

9.15-9.35: Riccardo Barontini (Université de Pau et des pays de l’Adour), « Écopoétique numérique du roman contemporain (2001-2021) »

9.35-9.55: Marceau Forêt (UQAM), « De la science-fiction dans des revues savantes ? Fictions épistémiques et humanités environnementales »

9.55-10.15: Judyta Zbierska-Mościcka (Université de Varsovie), « Dire la métamorphose (Plasmas de Céline Minard) 

Questions de poétique (présidence : Krzysztof Jarosz)

11.15-11.35: Mirosław Loba (Université Adam Mickiewicz), « La littérature qui reste littérature. Autour de la pensée écologique »

11.35-11.55: Marion Grange (EHESS / Sorbonne Nouvelle), « Pour une cosmopoétique du récit. Le sens du cosmos dans l’œuvre de Jean-François Beauchemin »

Questions contemporaines (présidence : Anne Simon)

14.00-14.20: Bertrand Guest (Université d’Angers), « Dérive rurale pour (se) relier (à) un monde finissant ? Une lecture latourienne de Rabalaïre d’Alain Guiraudie »

14.20-14.40: Jean-Christophe Cavallin (Aix-Marseille université), « Ce qu'a dit Latour à propos des fleuves. Notes sur la personnification littéraire » 

14.40-15.00: Raphaëlle Guidée (université Paris 8), “"Une syntaxe patiente et décalée" : recomposer un monde de déchets de Sendai à Fukushima (Michaël Ferrier, Sophie Houdart)"”

Pastorales (présidence : Anita Staroń)

16.00-16.20: Krzysztof Jarosz (Université de Silésie), « “Chassez le naturel, il revient au galop”. Les visions de la Nature dans l’œuvre de Jean Giono »

16.20-16.40: Colette Camelin (Université de Poitiers), « Au plus près de la vie pastorale : Violaine Bérot, Florence Debove, Jean-Christophe Cavallin, Pastorales, Wildproject, 2024 »

20.00-21.30: Rencontre avec Violaine Bérot (s. 0.110)

 

Vendredi 25 avril 2025 

Recompositions génériques (présidence : Jean-Christophe Cavallin)

9.15-9.35: Alba Pessini (Université de Parme), « Wilfried N’Sondé : un nouveau genre pour raconter le vivant »

9.35-9.55: Marie Vigy (UMR Thalim / Université Sorbonne Nouvelle), « (In)actualité du conte : quelle place pour l’écriture du merveilleux en écopoétique ? »

9.55-10.15: Marie Cazaban-Mazerolles (Université Paris 8 Vincennes-Saint Denis), « Quel art poétique pour les temps présents ? Aristote à l’épreuve du nouveau régime climatique »

Des contes écologiques ? (présidence : Mirosław Loba)

11.15-11.35: Anita Staroń (Université de Łódź), « L’animal qui me précède. De Pergaud à Rachilde »

11.35-11.55: Élisabeth Plas (Université Sorbonne Nouvelle), « L’écologie du conte merveilleux : les micro-histoires environnementales »

Perspectives zoopoétiques / végétales (présidence : Bertrand Guest)

14.00-14.20: Anna Maziarczyk (Université Marie Curie-Skłodowska), « Narration animale au service de l’écologie dans Mémoires de la jungle de Tristan Garcia »

14.20-14.40: Anne Simon (CNRS-École normale supérieure), « Écopoétique des courants et des flux »

14.40-15.00: Natalia Nielipowicz (Université Nicolas Copernic), « De quelques tropes dendrologiques dans l’oeuvre de Le Clézio »

Ecologies autochtones (présidence : Michał Obszyński)

16.00-16.20: Małgorzata Sokołowicz (Université de Varsovie), « “Ces paysages font partie de [mon] sang et [mon] âme”. Les mécanismes autobiogéographiques dans Ourse bleue de Virginia Pésémapéo Bordeleau »

16.20-16.40: Sara Del Rossi (Université de Varsovie), « Décoloniser l’écologie : le réalisme (in)formatif dans les romans de Naomi Fontaine »

20.00-21.30 rencontre avec Gisèle Bienne (s. 0.110) 

 

Samedi 26 avril 2025 

Lieux et agents (présidence : Raphaëlle Guidée)

9.00-9.20: Frédéric Poupon (Université Bordeaux Montaigne), « L’arrière-pays : un espace narratif de pensée écologique ? Lectures croisées de La Deltheillerie de Joseph Delteil et des Lettres de Gourgounel de Kenneth White »

9.20-9.40: Caroline Dumas de Rauly (Université Bordeaux Montaigne), « Dramaturgie de l’oikos aux temps de l’anthropocène. Représenter les limites de la maison »

9.40-10.00 : Judith Sarfati-Lanter (Sorbonne Université), « Symbioses et dépendances interspécifiques à l’heure de l’Anthropocène : poétique de l’hybridation dans les oeuvres d’A. Percheron, K. Modick et C. Minard » 

Ecologies des Caraïbes (présidence : Alba Pessini)

11.00-11.20: Michał Obszyński (Université de Varsovie), « Du réalisme merveilleux à la réalité augmentée : la Caraïbe dans Romancero aux étoiles (1960) de Jacques Stephen Alexis et Té Mawan (2022) de Michael Roch »

11.20-11.40: Alessia Vignoli (Université de Varsovie), « Bain de lune de Yanick Lahens et le renouveau du roman paysan haïtien » 

11.40-12.00 Discussion

12.00 Clôture du colloque

 

Contacts : Judyta Zbierska-Mościcka, Institut d’études romanes, Université de Varsovie (j.zbierska-moscicka@uw.edu.pl), Alessia Vignoli, Institut d’études romanes, Université de Varsovie (a.vignoli@uw.edu.pl), Jean-Paul Engélibert, Université Bordeaux Montaigne (Jean-Paul.Engelibert@u-bordeaux-montaigne.fr)

 

Programme à télécharger ci-dessous

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[1] Pierre Schoentjes, Littérature et écologie. Le Mur des abeilles, Paris, Éditions Corti, 2020, p. 19.

[2] Alexandre Gefen, « Les théories écologiques de la littérature : de l’écopoétique à la biocritique », in Riccardo Barontini, Sara Buekens et Pierre Schoentjes (dir.), L’Horizon écologique des fictions contemporaines, Genève, Droz, 2022, p. 61-76.

[3] Timothy Morton, La Pensée écologique, Paris, Zulma, 2021, p. 88.

[4] Amitav Ghosh, Le Grand Dérangement (2016), Marseille, Wildproject, 2021, p. 30.

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