“Poétiques de l'insaisissable”. Séminaire 2023-2024
Séminaire CEREC-Modernités 2023-2024
« Insaisissable » apparaît dans la langue française de la toute fin du XVIIIe siècle et fait son chemin dans la littérature au cours des XIXe et XXe siècles, tant il est vrai que l’artiste moderne se trouve sans cesse confronté à ce qui se dérobe, échappant à ses sens comme à son entendement. L’insaisissable serait-il une de ces notions aux multiples implications esthétiques permettant de fonder la modernité par opposition à ce qui l’a précédée ? Faut-il entendre les mots de Boileau, « Tout ce qui se conçoit bien s’énonce clairement », comme le principe de l’écriture des XVIIe et XVIIIe siècle, ne laissant pas de place aux idées informelles, inabouties, mouvantes, aux sentiments flottants et aux émotions fugitives ? Peut-on opposer une esthétique classique pour laquelle le langage serait le moyen d’une saisie du réel à une littérature moderne qui se serait mise en quête de l’insaisissable ? Ce qui échappe à la prise du concept (qui est le domaine du discours philosophique), ce qui tend à l’impensé voire à l’impensable, trouve-t-il dans le discours littéraire moderne un moyen privilégié non pas d’expression mais de tentative inépuisable de manifestation ?
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« La modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable », disait Baudelaire. L’écriture de certains textes des XIXe et XXe siècles est exemplairement à la poursuite de l’insaisissable, depuis la fin de La Peau de chagrin de Balzac (« comme un mot vainement cherché qui court dans la mémoire sans se laisser saisir »), jusqu’au Nom sur le bout de la langue de Pascal Quignard, en passant par Nerval (la thématique de l’évanescence dans Aurélia), Verlaine (passim), Mallarmé (son ontologie négative où l’Idée se dérobe toujours), Proust (les tentatives de saisir l’insaisissable des réminiscences), Supervielle (en quête de rejoindre les traces des morts), Bataille (ses considérations sur le Tao insaisissable, et sur la réversibilité du sens et du non-sens), Beckett (le poème « Comment dire ? »), les « tropismes » de Nathalie Sarraute, ou encore l’esthétique de Michaux (Face à ce qui se dérobe), celle de Ponge (Le Savon), et celle de Jaccottet (« l’effacement soit ma façon de resplendir »), sans oublier la part que la critique littéraire a pu faire à l’insaisissable (notamment chez Jean-Pierre Richard, Blanchot, Barthes). Le japonisme européen de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, y compris dans ses expressions picturales et musicales, semble aussi lié, entre autres déterminations, à la fascination pour les catégories de l’esthétique japonaise qui relèvent de l’insaisissable (comme la notion de nagori, littéralement la « trace des vagues », signifiant la nostalgie de ce qui vient de disparaître).
Cette notion de l’insaisissable n’a plus guère été revisitée depuis Vladimir Jankélévitch (Le je-ne-sais-quoi et le presque-rien). Elle mériterait donc une nouvelle approche esthétique et spécifiquement littéraire. C’est un sujet apparemment plutôt thématique, mais qui engage en fait des enjeux formels et entraîne une discussion sur la définition de la modernité.
Calendrier prévisionnel
Les séances ont lieu les mercredis de 15H30 à 17H30 à partir du 22 novembre en salle H117:
Un Colloque terminal aura lieu les 4 et 5 avril 2024.
Contacts:
Eric Benoit Eric.Benoit@u-bordeaux-montaigne.fr
Florence Boulerie Florence.Boulerie@u-bordeaux-montaigne.fr