Calendrier prévisionnel (mercredi, 15h30-17h30, H123)
- 27 novembre : Eric Benoit, Caroline Casseville, Violaine Giacomotto : Introduction 1. « Déclinaisons de l’inquiétude », début.
- 4 décembre : Eric Benoit : Introduction 2. « Déclinaisons de l’inquiétude », suite.
- 11 décembre : Eric Benoit : Introduction 3. « Déclinaisons de l’inquiétude », suite.
- 15 janvier : Bernard Sève, Université de Lille : « Montaigne, tranquille philosophe de l'inquiétude ».
- 22 janvier : Evelyne Grossman, Université Paris-Cité : “Inquiétude ? Déséquilibres contemporains”.
- 29 janvier : Alice Vintenon et Anne-Laure Metzger, UBM : « L'écriture de l'inquiétude et de la miseria hominis dans le premier humanisme italien (Pétrarque, Coluccio Salutati, Ficin, Fregoso) ».
- 5 février : Caroline Casseville (UBM) et Philippe Dazet-Brun (Institut catholique de Toulouse) : « Mauriac catholique, une foi inquiète ? ».
- 12 février : Ali Benmakhlouf, Université Mohamed VI (présenté par Omar Fertat, UBM) : « L'Inquiétude et indignation de Montaigne face à la "boucherie […] universelle" (III,6) de la colonisation ».
- 19 février : Christelle Defaye, UBM : « Inquiétudes d'avant-guerre (Gracq) et inquiétudes post-traumatiques (Duras) ».
- 12 mars : Jean-Michel Gouvard, UBM (et en présence d’Alain Farah) : « Inquiétude et identité dans l'œuvre romanesque d'Alain Farah ».
- 2 avril : Joëlle de Sermet, UBM : « Le mouvement d’inquiétude : tracés contemporains ».
- 9 avril : Eric Benoit, « Déclinaisons de l’inquiétude », suite.
- Un Colloque international terminal (qui fait partie du séminaire de Master) aura lieu le jeudi 10 avril (Salle des Thèses, Maison de la Recherche) et le vendredi 11 avril (Amphi de la Maison des Langues CLEFF).
Texte programmatique du Séminaire
L’inquiétude, qui a été présente dans l’histoire de la pensée depuis au moins l’ « inquietum est cor nostrum » augustinien, a récemment reçu un statut de notion philosophique dans les travaux de certains philosophes : Jean-Luc Nancy à propos de Hegel (Hegel. L’inquiétude du négatif, Galilée, 2018), Sophie-Jan Arrien à propos du jeune Heidegger (L’inquiétude de la pensée, PUF, 2014), Michaël Foessel sur les inquiétudes du monde contemporain (Après la fin du monde. Critique de la raison apocalyptique, Seuil, 2013). L’inquiétude aurait pu trouver légitimement sa place dans le Dictionnaire littéraire Arts et émotions (dirigé par Carole Talon-Hugon et Alexandre Gefen), Colin, 2016. Des ouvrages d’Evelyne Grossman (L’angoisse de penser, Minuit, 2008 ; Éloge de l’hypersensible, Minuit, 2017) croisent cette question de l’inquiétude en certaines pages, notamment chez des écrivains comme Beckett, Artaud, Duras.
Il s’agira ici d’approfondir l’étude de la productivité de l’inquiétude dans la littérature, en partant notamment de l’hypothèse selon laquelle la thématisation littéraire de l’inquiétude s’accompagne de formes littéraires de l’inquiétude, qu’il faudra repérer et analyser. Les enjeux existentiels de ce sujet sont donc inséparables de certains enjeux formels.
Stefan Zweig, dans son autobiographie Le Monde d’hier, voyait en l’année 1914 la date de l’entrée du monde dans l’ère de l’inquiétude (« in der Unruhe der Welt »), mais notre travail parcourra la littérature depuis le XVIe siècle jusqu’à l’époque contemporaine, en s’étendant aux différentes aires linguistiques. L’inquiétude sera comprise par nous à la fois dans sa dimension objective (par exemple les instabilités historiques) et dans sa dimension subjective (l’émotion ressentie par les individus). La littérature est un discours privilégié d’expression et de manifestation de l’inquiétude, le discours où la négativité de l’inquiétude se renverse en force positive de création et d’invention formelle. Nous approfondirons l’étude de la productivité littéraire de l’inquiétude à l’échelle des cinq derniers siècles : par exemple (ce ne sont là que des pistes possibles, entre autres) chez Montaigne pour qui « le monde n’est qu’une branloire perenne », dans les inquiétudes néo-augustiniennes de Blaise Pascal, dans l’esthétique du XVIIIe siècle (voir le livre de Jean Deprun, La philosophie de l'inquiétudeen France au XVIIIe siècle, Vrin, 1979), dans l’écriture autobiographique de Rousseau, dans « cette réflexion inquiète » que Germaine de Staël percevait aux origines du romantisme, dans l’obsession du temps irréversible chez Baudelaire, dans la littérature fantastique, dans l’analyse de l’inquiétude par Proust (La Prisonnière), dans le problème de l’inquiétude chez Péguy (« l’homme, ce monstre d’inquiétude »), dans l’inquiétude spirituelle de Bernanos et Mauriac, dans l’œuvre de Kafka, dans le Livre de l’intranquillité de Pessoa (récemment retraduit en Livres de l’inquiétude), dans l’œuvre de Michaux, dans l’intérêt de Pascal Quignard pour la figure d’Albucius « l’inquiet » (inquietator), et jusque dans le bref ouvrage de Camille de Toledo qui se penche sur les inquiétudes individuelles et collectives du monde actuel (L’inquiétude d’être au monde, Verdier, 2012), inquiétudes qui n’ont cessé de s’amplifier au cours des dernières années (terrorisme, crise climatique, éco-anxiété, crise sanitaire, guerres, migrations…). Dans ce travail sur l’inquiétude en littérature, nous pourrons être ouverts aux apports des sciences cognitives et des neurosciences. Et nous ne nous priverons pas d’étendre la réflexion aux autres arts : musique, peinture, cinéma…
La problématisation de l’inquiétude pourra passer par la question de l’imprévisible (qui implique aussi des enjeux épistémologiques) : du fait de la remise en question moderne du déterminisme rationaliste des Lumières, l’être humain est aujourd’hui affronté à une temporalité privée de repère et à un présent complexifié qui rendent impossible de modéliser l’avenir, de le prévoir et de le prévenir.
Au-delà des caractérisations apparemment négatives de l’inquiétude, certains penseurs et écrivains ont pu voir dans l’inquiétude une valeur positive susceptible d’offrir des opportunités imprévues : c’est le cas avec la pensée du mouvant chez Bergson, ou avec la façon dont Bataille trouve dans l’absence de toute stabilité une libération extatique, ou encore avec la valorisation de l’impermanence et de la précarité des êtres chez Bonnefoy et Jaccottet.
Plan des séances d'Eric Benoit ("Déclinaisons de l'inquiétude")
I Sens et valeurs de l’inquiétude
1 Étymologie. 2 Axiologie (de Montaigne à Gide et Michaux).
II L’« Inquietum est cor nostrum » augustinien, de Pascal à Bataille
1 Augustin. 2 Pascal. 3 Au carrefour des inquiétudes (XVIIIe s.). 4 Baudelaire, Péguy, Bataille.
III L’Unheimlichkeit freudienne, pour lire Quignard, Kafka, Michaux, Baudelaire, et Maupassant
1 Freud (Das Unheimliche). 2 Quignard (Albucius). 3 Kafka (Lettre au père et Le Terrier), et détour par Michaux. 4 Les doubles : Baudelaire (et l’inquiétude en poésie), Maupassant (et remarques narratologiques).
IV Deux cas (Proust, Rousseau)
1 Proust ou la jalousie 2 Rousseau ou la persécution
V « In der Unruhe der Welt » (histoire et politique)
1 Après 1789-1814. 2 Après 1914 (Zweig). 3 Après 1945.
Eric Benoit, Caroline Casseville, Violaine Giacomotto
Eric Benoit
Eric Benoit
Bernard Sève (Université de Lille)
Evelyne Grossman (Université Paris-Cité)
Alice Vintenon et Anne-Laure Metzger, UBM
Caroline Casseville (UBM) et Philippe Dazet-Brun (Institut catholique de Toulouse)
Ali Benmakhlouf, de l'Université Mohamed VI (présenté par Omar Fertat, UBM)
Christelle Defaye, UBM
Jean-Michel Gouvard, UBM (et en présence d’Alain Farah)
Joëlle de Sermet, UBM
Eric Benoit
Salle des Thèses de la Maison de la Recherche, UBM
Amphi de la Cité des Langues (CLEFF), UBM