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2025, 28 nov. : Décentrements à l’œuvre : vecteurs, poétiques, défis. Colloque de Plurielles [appel à communication: DL le 5/9/25]

Florence Corrado Clarissa RIBERA MARTINEZ FERNANDEZ Lucile Bordes Cristina Panzera Alice Parutenco Flavia Miotto

Décentrements à l’œuvre :  vecteurs, poétiques, défis

Premier colloque interne de l’UR 24142 Plurielles

vendredi 28 novembre 2025

MSH de Bordeaux, salle Jean Borde

Colloque organisé par Lucile Bordes, Florence Corrado, Clarissa Martinez, Flavia Miotto, Cristina Panzera, Alice Parutenco.

Décentrements à l’œuvre :  vecteurs, poétiques, défis

L’UR Plurielles se caractérise par une diversité thématique et géographique de ses équipes internes ; elle propose aussi des thèmes transversaux qui incitent à un travail commun entre des chercheurs d’horizons disciplinaires différents. C’est ainsi que la pluralité - celle des langues, des cultures, des patrimoines littéraires, des interprétations - est perçue comme une identité fondatrice de l’UR : c’est cette pluralité que nous voulons mettre en valeur à l’occasion de ce premier colloque d’UR, qui sera suivi par d’autres à échéance annuelle. Cette manifestation interne à Plurielles, sollicitant toutes les catégories de ses membres (enseignants-chercheurs titulaires, doctorants et associés, sans oublier les émérites, les honoraires et les jeunes docteurs), a notamment pour objectif de contribuer à la consolidation de l’identité de Plurielles et au renforcement du sentiment d’appartenance à un ensemble uni sans être uniforme.

Cette année, nous proposons d’interroger la pluralité à travers la notion de décentrement. Le décentrement peut tout d’abord être compris comme un décalage géographique amorçant un changement de perspective qui renouvelle, voire renverse le regard. Le décalage peut aussi être linguistique. Appliquée aux langues, la notion de décentrement permet d’interroger la pratique de la traduction comme un accueil de l’étranger, un détour par l’autre langue pour nommer le monde. Cette notion peut encore s’appliquer aux champs du savoir, aux pratiques artistiques : elle met en jeu une pensée de l’« entre » telle que la comprend François Jullien, et permet de penser l’interdisciplinarité et l’intermédialité. Le décentrement est enfin une promesse éthique et un outil intellectuel qui permet d’appréhender la diversité afin d’ébranler les logiques de domination. Centrale dans les études contemporaines d’anthropologie et de sociologie, cette notion est également au cœur de la philosophie morale, qui cherche à définir le fondement relationnel de notre société. Selon Emmanuel Mounier « la personne est une existence capable de se détacher d’elle-même, de se déposséder, de se décentrer pour devenir disponible à autrui » (Mounier, 1992, p. 34). En refusant un centre unique, on parvient à l’effacement devant l’autre, ouvrant au dialogue et à la pluralité.

En jouant sur l’interprétation à donner au préfixe, dé-centrer peut signifier un mouvement d’excentration, qui remplacerait le centre par un autre, stratégiquement posé ailleurs, générant un déséquilibre qui remobilise la pensée et suggère le relativisme. Mais le décentrement peut consister aussi, tout simplement, en l’abolition de l’idée même du centre, pour épouser les formes du monde dans leur joyeuse anarchie.

Si l’on reconnaît généralement à l’art et à la littérature le pouvoir d’élargir, grâce à l’imagination, notre perception du monde, c’est à un degré supplémentaire d’ouverture que nous convie le défi du décentrement lorsqu’il est placé au cœur de la création. La question du décentrement invite ainsi à interroger la manière dont les œuvres peuvent devenir un lieu de rencontre, car, comme l’écrit Le Clézio : « Si on ne se rencontre pas sur le terrain de la culture, on se rencontrera sur le terrain de la guerre » (Identité nomade, p. 122). L’épreuve du décentrement en tant que mouvement vers les marges ou les périphéries, se prête particulièrement bien à rendre compte de la confrontation entre différents modes de vie dans les études interculturelles ou transculturelles, qu’il s’agisse du domaine postcolonial ou de la mémoire liée aux mouvements migratoires et aux récits intergénérationnels en contexte plurilingue. Se pose alors la question de l’altérité et de son interrogation, de son assimilation au-delà des clivages représentés par les traditions, les langues, les croyances.

L’idée de déplacement se révèle également fertile lorsqu’elle est appliquée aux mouvements de la pensée : s’éloigner du centre, d’un centre, signifie refuser d’adhérer à une idéologie dominante, en mettre en doute les principes, en éluder le contrôle, s’émanciper, enfin, de certaines impositions. S’ouvre alors la possibilité de la résistance, voire de la dissidence. Penser autrement est une forme de décentrement qui substitue au noyau de convictions autorisées par une collectivité ou par des formes de pouvoir le chemin solitaire du doute et de la contestation. Cela est particulièrement vrai sous des régimes totalitaires qui répriment toute émancipation par rapport à une doctrine érigée en centre. Boris Cyrulnik parle, à ce propos, de la « pensée paresseuse » qui refuse de prendre en compte la vision de l’autre. C’est au cœur de la pluralité et du vivre ensemble, selon l’enseignement de Hannah Arendt, que l’action politique devient possible (Arendt, Condition de l’homme moderne, p. 60 : « Si tous les aspects de la condition humaine ont de quelque façon rapport à la politique, cette pluralité est spécifiquement la condition […] de toute vie politique »). 

Ce colloque se propose donc d’explorer les vecteurs, les poétiques et les défis de la démarche qui consiste à décloisonner les cultures : l’enjeu sera d’interroger collectivement nos pratiques du décentrement qui mettent en valeur la confrontation fructueuse des cultures et des disciplines, l’ouverture à l’altérité, faisant de la recherche en sciences humaines et sociales une activité politiquement essentielle à une société vivante, respectueuse de la différence, libre.

La réflexion pourra s’articuler autour de trois axes :

1. Décentrement et multiculturalisme

La redéfinition des espaces et des frontières, en lien avec la décolonisation ou les changements des sphères d’influence territoriale — comme dans le cas de l’Europe de l’Est depuis quelques décennies — bouleverse des équilibres historiquement fondés. Comment le décentrement influe-t-il sur les représentations et permet-il d’imaginer de nouveaux modes de vie ? La réception, la traduction ou plus largement la transmission des patrimoines culturels peuvent être autant de vecteurs du décentrement.

2. Poétiques des décentrements

On s’intéressera aux poétiques, aux procédés narratifs, artistiques ou scéniques qui permettent de s’éloigner d’une vision centrée : abolition du narrateur qui filtre les faits à travers sa conscience, recherche de la polyphonie, de la choralité, poétiques du fragment, récits valorisant des personnages marginaux, œuvres qui désorientent les lecteurs en les amenant à douter, à se questionner, à dépasser les a priori.

3. Du centre vers les marges, des marges vers le centre

Il s’agira d’explorer et de valoriser l’œuvre d’intellectuels ou d’artistes qui s’opposent, plus ou moins explicitement, à une pensée dominante. Outre la dissidence politique, le décentrement peut également se manifester à travers des positions idéologiques telles que l’antispécisme, le nature writing, la pensée animaliste ou écologique, qui visent à sortir d’une logique rigoureusement anthropocentrée. Les décentrements dans les catégories temporelles, plutôt que dans l’espace, peuvent également faire l’objet d’analyses.

Les propositions de communication (résumé de 200 mots environ) sont à envoyer à lucile.bordes@u-bordeaux-montaigne.fr. et Florence.Corrado@u-bordeaux-montaigne.fr au plus tard le 5 septembre 2025. 

Les communications dureront 20 minutes et seront suivies de discussions. Une table ronde complètera cette journée. 

Le comité d’organisation : Lucile Bordes, Florence Corrado, Clarissa Martinez, Flavia Miotto, Cristina Panzera, Alice Parutenco.

 

Bibliographie

Arendt, Hannah, Condition de l’homme moderne, trad. par G. Fradier, Paris, Librairie Générale Française, 2020 [The Human Condition, 1958].

Camet, Sylvie, Décentrement et travail de la culture, Paris, Éditions Academia-l’Harmattan, 2016.

Gallet Élodie, Guétemme Geneviève  et  Pomiès-Maréchal Sylvie (dir.), Décentrement(s). Théories et pratiques d’un concept nomade, Paris, Hermann, 2024.

Glissant, Edouard, Poétique de la relation, Paris, Gallimard, 1990.

Jullien, François, L’écart et l’entre, Paris, Galilée, 2012.

Le Clézio, Jean Marie, Identité nomade, Paris, Laffont, 2024.

Mounier Emmanuel, Le personnalisme, Paris, PUF, 1992 [1949].

Vandamme, Pierre-Etienne, Qu’est-ce que le décentrement ? Moralité individuelle et justice sociale, Ethica, 21, 2016, p. 167-202. Disponible à l’adresse URL : https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/object/boreal%3A184830/datastream/PDF_01/view

Adell Nicolas, Chevalier Sophie  et Raulin Anne  (dir.), Anthropologie contemporaine : de l’éloignement au décentrement, Paris, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2024. Disponible à l’adresse URL : https://books-openedition-org.ezproxy.u-bordeaux-montaigne.fr/cths/18363

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