4 et 5 décembre 2025, Chambéry – 26 et 27 février 2026, Venise
En 2025, le premier Salone Internazionale dei Comics, qui s’est tenu à Bordighera en 1965, précurseur des célèbres salons de Lucques et d’Angoulême, fête son 70e anniversaire. Organisé grâce à la collaboration entre des institutions italiennes et françaises, le festival a proposé en son sein le premier lieu où développer et confronter des discussions critiques sur le neuvième art. Dès les années 1960, les spécialistes des deux pays européens – auxquels s’ajoute la Belgique francophone – ont contribué de manière toujours plus large et systématique au débat historiographique et théorique sur ce récent médium ; parallèlement, et indépendamment des échanges transfrontaliers sur le plan théorique, on trouve dans la pratique artistique des influences importantes entre les deux zones géographiques et culturelles, qui se prêtent bien à des analyses comparatives, dans un territoire encore peu sondé par la critique (Gallo, 2011). On peut, par exemple, penser à la diffusion commune du thème de l’aventure, dans l’immédiat après-guerre, dans un contexte d’assimilation des comics américains ; à l’influence en France de héros italiens comme Tex ; tout comme, en sens inverse, au succès en Italie de la saga western Blueberry (de Jean-Michel Charlier et d’un Jean Giraud encore débutant), où elle est éditée chez Mondadori dans la collection « I classici dell’Audacia » ; mais aussi à l’ascendant exercé par la Barbarella de Jean-Claude Forest sur le fumetto nero italien.
1965 est aussi l’année de la fondation de Linus, où Umberto Eco et Elio Vittorini écrivirent en faveur de ce que l’on appelait, dans la désormais célèbre interview inaugurale d’Oreste Del Buono, la « littérature dessinée ». Le mensuel, le premier à être spécialisé dans le genre et destiné à un public hétérogène, a contribué de manière significative à diffuser la bande dessinée et à l’affranchir des préjugés qui l’associaient à une littérature trop infantile ou de bas étage, mais aussi à confronter de façon toujours plus marquée la bande dessinée de consommation et d’auteur. Sa version française ne tarde pas à voir le jour : en 1969 sort le premier numéro de Charlie, qui publie des bandes dessinées déjà apparues dans Linus et reprend ostensiblement la présentation graphique de la revue italienne.
Pendant cette même décennie, des auteurs considérés aujourd’hui comme les pionniers italiens du roman graphique, Hugo Pratt et Guido Buzzelli (ce dernier, pendant au moins une décennie, presque ignoré dans sa patrie) deviennent très rapidement populaires de l’autre côté des Alpes. A partir des années 1970, l’avant-garde de Métal Hurlant se fait une place dans la poétique des auteurs qui gravitent autour de Frigidaire et Cannibale, ainsi que du groupe « Valvoline » – dont l’un des représentant les plus connus, Lorenzo Mattotti, vit et travaille toujours en France. D’autres parcours possibles peuvent être explorer pour retracer ces liens dans une période plus récente, du déclin des magazines à l’irrésistible ascension du graphic novel.
Ce colloque se propose également de questionner, à travers des études de cas tirées des zones culturelles en question, la position qu’occupe ce médium dans le panorama composite des langages narratifs. Entre tous, la bande dessinée semble être, aujourd’hui encore, le plus « insaisissable » (Di Paola, 2019). Défini au début du XXème siècle comme discours syncrétique verbo-visuel, descendant direct de la caricature et des histoires illustrées, elle occupe une place très discutée parmi les langages d’image « statiques » – comme la peinture, les arts graphiques et la photographie – et de la narration – littérature, théâtre et cinéma – dont la bande dessinée mutualise et adapte les formes et les techniques d’expression (Barbieri, 1991).
S’il semble illusoire de définir d’une manière univoque ce qu’est la bande dessinée, soit comme production de masse soit sous forme de roman graphique, ce média – aussi en raison de sa nature double – a catalysé différentes approches méthodologiques, qui ont conflué avec les exigences historiographiques, se cumulant parfois, de la première période critique : de la sémiotique à la narratologie, de la sociologie à la philosophie, jusqu’aux neurosciences. Dans la redéfinition continue d’un champ d’études qui a pour objet un langage en perpétuelle mutation, redécouvrir son essence est une opération complexe, aux facettes nombreuses et différentes, dans laquelle persévèrent à s’engager une pluralité de sciences, parfois en désaccord évident. On prendra en considération l’application d’outils théoriques pour étudier tant les nouvelles tendances de la création, également étayées par la diffusion du format graphic novel et par l’avènement du numérique, que les formes « historiques », depuis l’espace d’expérimentation qu’offrirent les revues destinées à un public enfantin – comme le Corriere dei Piccoli, Le Dimanche Illustré et Le Journal de Spirou – à la poétique de la « ligne claire » de l’aire franco-belge, jusqu’à l’avant-gardisme des années soixante-dix et quatre-vingt.
Les orientations de recherche de ce colloque sont ouvertes à l’étude des thèmes et des personnages importants, comme le mythe et la figure du héros (Frezza, 1995), aux transpositions vers et depuis d’autres langages, surtout littéraire et cinématographique, du moment que la perspective envisage une comparaison entre textes italiens et francophones. Une section consacrée aux questions de traductologie et à l’utilisation didactique des fumetti et des bandes dessinées est également attendue.
Les axes de recherche suivants sont mentionnés à titre indicatif pour les propositions de communication :
1) Regards rétrospectifs – sur les maîtres et les poétiques du fumetto / de la bande dessinée : influences, projets éditoriaux, traductions…
2) Statut de la production et réception du fumetto / de la bande dessinée en Italie et en France 2000-2025 – new media, digital graphics, auto-édition, impact social des festivals, revues et nouvelles modalités de communication du fandom
3) Études sémiotiques, théories du fumetto / de la bande dessinée, activités de recherche
4) Adaptations : transposition et réécriture d’œuvres du canon, tant littéraire qu’artistique.
Les sessions du colloque se dérouleront à Chambéry (4 et 5 décembre 2025) et à Venise (26 et 27 février 2026). Lors de l’envoi de votre proposition, vous pouvez exprimer votre préférence pour l’une des quatre axes indiqués et pour l’un des deux lieux. Le respect de cette préférence de lieu n’est pas garanti, et sera évalué par le comité scientifique et organisateur en fonction des propositions reçues. Les langues du colloque sont l’italien, le français et l’anglais.
Les propositions sont à envoyer à :
cristina.vignali@univ-smb.fr ; alescarsella@unive.it ; delphine.gachet@u-bordeaux-montaigne.fr
virginia.benedetti@univ-smb.fr
Envoi des propositions au plus tard le 15 mai 2025
Acceptation au plus tard le 15 juin 2025
Les interventions ayant fait l’objet d’une sélection seront publiées.
Comité Scientifique :
Virginia Benedetti (Université Savoie Mont Blanc) ; Delphine Gachet (Université Bordeaux Montaigne) ; Florence Plet (Université Bordeaux Montaigne) ; Alessandro Scarsella (Université Ca’Foscari) ; Alberto Sebastiani (IULM, Milan) ; Cristina Vignali (Université Savoie Mont Blanc).
Bibliographie sélective
Baetens, Jan, Lefèvre, Pascal, Pour une lecture moderne de la bande dessinée. Bruxelles: Centre Belge de la Bande Dessinée (CBBD), 1993.
Barbieri, Daniele, I linguaggi del fumetto. Milano, Bompiani, 1991.
Brancato, Sergio, Abruzzese, Alberto (a cura di), Il secolo del fumetto: lo spettacolo a strisce nella società italiana, 1908-2008. Latina, Tunué, 2008.
Darici, Katiuscia, Scarsella, Alessandro (a cura di), Dal realismo magico al fumetto: laboratorio per lo studio letterario del fumetto. Venezia, Granviale, 2013.
Di Paola, Lorenzo, L'inafferrabile medium. Una cartografia delle teorie del fumetto dagli anni Venti a oggi, Napoli, Polidoro, 2019.
Eco, Umberto, Apocalittici e integrati, Milano, Bompiani, 1964.
Fresnault-Deruelle, Pierre, La Bande dessinée (Essai d’analyse sémiotique). L’univers et les techniques de quelques “comics” d’expression française, Paris, Hachette, 1972.
Frezza, Gino, La macchina del mito tra film e fumetti, Firenze, La Nuova Italia, 1995.
Gallo, Claudio, Sul fumetto francese e su quello italiano: differenze, influenze, affinità, «Publifarum», N. 14 (2011): La BD francophone - Numéro Francophonie Vérone 2009
Groensteen, Thierry, Système de la bande dessinée, Paris, Presses universitaires de France, 1999.
Peeters, Benoît, Case, planche, récit. Comment lire une bande dessinée, Paris, Casterman, 1991.
Rey, Alain, Les Spectres de la bande : essai sur la B.D., Paris, Éditions de Minuit, 1978.
Tosti, Andrea, Graphic novel: storia e teoria del romanzo a fumetti e del rapporto fra parola e immagine. Latina: Tunué, 2016.
À tous et toutes les chercheurs et chercheuses de Plurielles, nous souhaitons une lumineuse année 2022 !Que le lancement de notre équipe rayonne de vos découvertes.Sans oublier de vous garder tous et
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