Ce colloque est organisé par la Faculté des Langues, des Arts et des Sciences Humaines de l’Université Ibn Zohr et le Centre Mauriac - Plurielles de l’Université Bordeaux Montaigne en collaboration avec la Société Internationale des études mauriaciennes (SIEM).
Poser la question de l’influence en littérature à l’occasion du 35e colloque international François Mauriac, fruit d’une collaboration entre l’Université Bordeaux Montaigne et l’Université Ibn Zohr-Agadir, est déjà une façon de circonscrire et de contextualiser le sujet.
De nombreux travaux ont traité une notion dont la richesse épistémologique n’a d’égale que sa complexité définitionnelle puisqu’elle prend sa source dans la confrontation de soi avec l’autre. Souvent plurielles, difficilement mesurables, les influences sont de toutes sortes, des plus vagues aux plus construites. Épousant des formes et des degrés variés, elles ont pour effet de marquer un changement, de faire passer d’un état antérieur à un état postérieur. L’étymologie du mot « influence » rappelle d’ailleurs à quel point le phénomène est soumis à une interprétation arbitraire, aussi fragile que celle des astres qui influent sur le cours de la destinée des hommes.
Que recouvre l’influence en littérature et jusqu’où peut-elle s’étendre ?
À la suite d’André Gide, que François Mauriac a longtemps considéré comme un maître, l’on peut distinguer les influences naturelles et les influences humaines, celles qui sont subies et celles qui sont choisies. Il y a les influences générales, liées aux climats, aux lieux, au milieu environnant, aux communautés humaines et à leur histoire, et celles, plus spécifiques, qui relèvent d’un sentiment d’appartenance (idéologique, artistique, culturelle…) et qui reflètent des affinités électives. Comment se répercutent ces phénomènes dans une œuvre littéraire ?
Par ailleurs, il existe des textes puissants qui nous changent : puissants car ils disposent d’une force d’infiltration dans le sanctuaire réservé de l’esprit, ils descendent en nous, nous habitent, font peau commune avec nous. Cette puissance, on peut l’expliquer par la capacité à nous révéler une vérité sur nous-mêmes, à nous faire connaître à nous-mêmes. Celui qui m’influence agit sur moi comme un miroir qui me renvoie ma propre image, mais une image cachée, enfouie, dormante que je découvre avec étonnement car encore ignorée de moi. De ce fait, la notion d’influence est à la fois mouvante, travaillée de l’intérieur, et chargée d’une dimension méta-réflexive.
C’est la raison pour laquelle certains écrivains composent un véritable discours, parfois instable car évolutif, sur les influences qui les ont marqués durablement ou non. Ce discours, potentiellement repérable dans l’ensemble des œuvres comme dans les essais, les correspondances, les préfaces, les textes de presse ou dans diverses déclarations, et qui recourt à des archétypes littéraires, entraîne le créateur tantôt à s’identifier, tantôt à se démarquer, mais toujours à construire son identité. C’est ainsi que ces influences particulières agissent sur l’être pour en faire un sujet autonome. Un réseau d’affinités se tisse entre des individus autour de ce qu’ils ont de spécifique. Nietzsche écrit à ce sujet : « Un grand homme n’a pas seulement son esprit, mais aussi celui de tous ses amis ». Néanmoins, des lignes de fracture peuvent exister, notamment lorsqu’un écrivain considère certains rapprochements éthiques ou esthétiques foncièrement impossibles, comme l’illustrent de nombreuses polémiques littéraires. Là encore, Mauriac peut servir d’exemple si l’on pense à ses divergences avec Gide, Sartre, Camus, Cocteau…
En ce sens, l’influence fonctionne non seulement comme un principe de reconnaissance qui met en lumière la valeur d’autrui et sa richesse, mais aussi comme un processus d’association, d’appropriation ou au contraire de prise de distance, d’écart, de dissociation. Elle permet également d’établir des liens a posteriori ou de créer des effets de notoriété à rebours. Ainsi, Mauriac tient-il à souligner l’importance significative de tel ou tel auteur (Pascal, Racine, Nietzsche, Rimbaud, Gide, Valéry…) à l’ombre duquel il s’est abrité. Or, à côté de ceux qui symbolisent des alliances prestigieuses, tantôt pérennes, tantôt éphémères, d’autres complicités, plus secrètes, se dévoilent : celles avec des amis méconnus ou tombés dans l’oubli (André Lafon, Jacques Rivière, Jean de La Ville de Mirmont, Jean Balde…) et sur lesquels l’écrivain, une fois lui-même reconnu, s’attache à diffracter la lumière qui l’auréole. Pour le créateur, l’invention d’une famille d’esprit, idéale et idéelle, dessine des parentés intellectuelles et artistiques qui estompent les frontières spatiales et temporelles. Elle participe à la construction de l’image de l’auteur en même temps qu’elle permet d’illustrer ses postures de lecteur.
De ce fait, les influences qu’un écrivain revendique invitent à s’interroger sur le modèle invoqué et sur sa valeur. Elles tracent une ligne d’horizon et une zone de dialogue, d’échanges, d’interactions où plusieurs voix s’entremêlent, se situant en deçà ou au-delà du texte. Ces filiations ou affiliations littéraires peuvent mettre en scène des relations de pouvoir puisque la comparaison crée la confrontation et qu’elle fait naître une échelle de références qui sous-tend une hiérarchie : le maître face à l’élève, l’influenceur face à l’influencé. Dès lors, s’inspirer d’un tiers ou de son œuvre soulève la question de l’imitation, consciente ou inconsciente, explicite ou implicite, et des rapports de force qui traversent ou constituent ce phénomène. Comment s’identifier à un autre tout en déployant sa personnalité propre et originale?
Si l’influence engage un processus dynamique, elle ouvre plus largement à des analyses littéraires intra-textuelles et extratextuelles. Elle met en jeu aussi bien l’exploration des sources, des traces, des emprunts, des phénomènes d’intertextualité de toute sorte (de l’imitation au plagiat en passant par la parodie, le pastiche…) que l’étude de la place des sociabilités dans la littérature (manifestations littéraires, milieu éditorial, appartenance à des réseaux divers…). Elle permet également de s’interroger sur la manière dont les écrivains, en vue d’enrichir leurs pratiques, nourrissent leur art au contact d’autres domaines (musique, peinture…) ou d’autres disciplines (droit, médecine…). Enfin, elle est plus que jamais d’actualité dans un monde hyperconnecté, où la pensée circule sans frontière, où le numérique déploie de nouveaux modes de création littéraire (blogs, écriture collaborative, logiciels d’écriture…), ce qui rend possible à la fois de mobiliser une surabondance de sources et de les invisibiliser. Aussi s’agit-il d’investiguer les phénomènes d’innutrition, qui sont à l’œuvre au cœur de l’inspiration littéraire, en s’attachant à explorer la variété des interactions et des domaines.
L’objet de ce colloque est d’examiner les différentes façons de comprendre la notion d’influence à partir de cas concrets, issus de la littérature française et francophone des XXe et XXIe siècles.
Les axes suivants, donnés à titre indicatif, ne sont pas limitatifs :
Organisation
Les propositions de communication (300 mots maximum) accompagnées d’un titre et d’une courte biobibliographie, doivent être adressées au plus tard le 31 octobre 2023 par courriel à l’adresse suivante :
colloquemauriacagadir@gmail.com
Calendrier :
À tous et toutes les chercheurs et chercheuses de Plurielles, nous souhaitons une lumineuse année 2022 !Que le lancement de notre équipe rayonne de vos découvertes.Sans oublier de vous garder tous et
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