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Appel à communication : "La tête de l’emploi. Représentations de l’employé·e de bureau" [colloque international 16-18 octobre] / DL : 15 avril

Claudio Pirisino

La tête de l’emploi.

Représentations de l’employé·e de bureau

(littérature et arts italiens, XIXe-XXIe siècles)

 

Université Bordeaux Montaigne, 16-18 octobre 2025

 

L’étude de la littérature abordant le thème du travail a connu un essor particulier dans l’italianisme de ces dernières décennies. Sur l’exemple fondateur d’Elio Vittorini (Industria e letteratura, 1961), des études réunies par Silvia Contarini ont observé les transformations socio-économiques du monde de l’entreprise au XXIe siècle et les différentes formes de travail précaire (Letteratura e azienda, 2010). Poussées par les bouleversements du droit du travail en Italie et la crise du post-modernisme, les études se concentrent avant tout sur les évolutions de la classe ouvrière et sur l’émergence d’une précarité généralisée, comme le montre le numéro de 2012 du Bollettino del Novecento dirigé par Claudia Boscolo, qui définit le New Italian Epic. Sans oublier le Festival di letteratura Working Class organisé depuis deux ans dans le cadre de l’usine occupée GKN à Campi Bisenzio, sous la direction d’Alberto Prunetti – dont le roman Amianto (2012) avait déjà constitué un moment essentiel dans la prise de conscience des mutations en cours. Rappelons enfin le volet de la recherche sur les labour narratives, qui scrute toute représentation artistique du travail (Baghetti, 2024), et les activités du réseau OBERT (Observatoire européen des récits du travail), depuis 2018.

Dans ce parcours critique la figure de l’employé, si elle n’a pas été laissée de côté, occupe un espace somme toute exigu. Pourtant, sa présence marque la culture italienne, et ce dès l’aube du Royaume d’Italie (1861), dont la machine bureaucratique est incarnée par le fonctionnaire Ignazio Travet, protagoniste éponyme de la pièce de Vittorio Bersezio (Le miserie ‘d Monsù Travet, 1863). Ce personnage, bien qu’oublié de nos jours, eut un grand succès, si on pense que déjà en 1887 le dictionnaire Petrocchi enregistre l’emploi du mot travet comme synonyme de petit employé. De Travet à aujourd’hui, les employés pullulent dans la littérature italienne, en partant d’auteurs comme Italo Svevo (Una vita, 1892) et Federigo Tozzi (Ricordi di un impiegato, 1927) jusqu’aux Cordiali Saluti d’Andrea Bajani (2008), sans ignorer la fortune des adaptations cinématographiques du personnage d’Ugo Fantozzi (Paolo Villaggio, 1972), ou celle du roman de Vincenzo Cerami par Mario Monicelli (Un borghese piccolo piccolo, 1977). La liste peut continuer.

Comme nous le rappelle Luciano Vandelli dans une étude fondamentale à ce sujet (Tra carte e scartoffie, 2013), la littérature a su observer, interpréter, reporter l’histoire de l’Italie. Autour de la figure de l'employé et du fonctionnaire se cristallisent types et stéréotypes, modèles et contre-modèles, symboles d'une certaine vision de la société, voire de la vie. L’employé se situe à mi-chemin entre l’ouvrier et le cadre dirigeant, pris en étau entre deux figures dont il se distingue en négatif. De l’ouvrier il n’a ni la prestance physique ni les compétences spécifiques ; par ailleurs il n’incarne pas la menace politique plus large que la classe ouvrière revêt aux yeux de la démocratie représentative, depuis les velléités révolutionnaires du XIXe et du XXe siècle jusqu’à l’extrême-droitisation de l’électorat populaire au début du XXIe siècle. Du cadre dirigeant il ne possède ni le patrimoine ni la capacité à prendre des décisions stratégiques, renvoyé au rôle d’exécutant de directives décidées loin de son bureau.

L'immobilité de sa position assise et de son univers clos, le bureau, devient ainsi souvent un symbole de son immobilité économique, sociale et politique ; il est la cible d’une représentation engoncée dans un rapport dialectique qui vante la sécurité de son emploi mais non sans dénoncer l’immobilisme ontologique qu’elle induit. Pourtant, comme le remarque Massimiliano Tortora, l’employé semble aussi habité par un esprit de rébellion contre ses supérieurs ou la société dans son ensemble, qui l’ont condamné à une position subalterne : songeons à la discographie de Giorgio Gaber et de Fabrizio de André des années 1970. 

À travers le prisme des « ronds-de-cuir » dans la littérature italienne depuis la naissance de l’État unitaire (1861) en passant par les réformes du travail qui ont fait de la précarité une situation ancrée et stable (la création du terme « precariato » le démontre), jusqu’aux bouleversements de la vie de bureau apportés par l’épidémie de Covid (2020-2022), ce colloque se propose d'interroger les évolutions et les involutions sociales et sociétales du pays.

 

Les propositions pourront s’inscrire dans les axes suivants :

  • Spécificités de la figure de l’employé.e, entre tâches genrées et position hiérarchique subalterne.
  • Émancipation et aliénation de l’employé.e de bureau.
  • Évolution de la sécurité de l’emploi, depuis le « posto fisso » jusqu’à l’ère des licenciements de masse, au télétravail.
  • Rêves et désenchantements.
  • Visées politiques et sociales des représentations de l’employé.e
  • La langue du bureau.
  • Présence de l’employé.e dans d’autre arts (cinéma, chanson…).

 

Bibliographie indicative :

 

« Il lavoro nelle raccolte di racconti dagli anni Ottanta a oggi », Ticontre, 2021, 15,https://teseo.unitn.it/ticontre/issue/view/114.

Baghetti Carlo, Labour Narratives. Primi appunti per una teoria transmediale, Lausanne, Peter Lang, 2024.

Boscolo Claudia, New Italian Epic, in Bollettino del 900, 2012, 1/2, https://boll900.it/numeri/2012-i/.

Contarini Silvia, Letteratura e azienda. Rappresentazioni letterarie dell’economia e del lavoro nell’Italia degli anni 2000, Narrativa, n. 31/32, Presses Universitaires de Paris Ouest, 2009/10, https://journals.openedition.org/narrativa/1514.

Laporte Stéphanie (coord.), Italie année zéro. Chroniques de la crise, Nanterre, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2018.

Lupo Giuseppe, La modernità malintesa. Una controstoria dell’industria italiana, Venezia, Marsilio, 2023.

Prunetti Alberto, Amianto. Una storia operaia, Roma, Edizioni Alegre, 2014 (première édition Milano, Agenzia X, 2012)

Toracca Tiziano, Zinato Emanuele, « Letteratura e lavoro », Allegoria, n° 82 https://www.allegoriaonline.it/category/allegoria-n82.

Tortora Massimiliano, « Saluti di inizio millennio. La figura dell’impiegato nella letteratura dell’Otto e del Novecento », La Letteratura e Noi, 2016, https://laletteraturaenoi.it/2016/03/09/cordiali-saluti-di-inizio-millennio/.

Vandelli Luciano, Tra carte e scartoffie. Apologia letteraria del pubblico impiego, Bologna, Il Mulino, 2013.

 

 

Comité scientifique :

Antonella Capra, Fabien Coletti, Delphine Gachet, Cristina Panzera, Claudio Pirisino.

 

Les propositions (max 1500 signes), en français ou en italien, doivent être envoyées aux organisateurs au plus tard le 15 avril 2025 :

fabien.coletti@univ-tlse2.fr

claudio.pirisino@u-bordeaux-montaigne.fr

 

Réponse du comité scientifique : 15 mai 2025

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